Julie Goulon, cœur battant d'un tiers-lieu en mouvement
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À la tête de l'association La Grenze, Julie Goulon incarne une nouvelle façon de penser les lieux culturels : ouverts, participatifs et ancrés dans le territoire. Cofondatrice du projet avec Thibaut Philipp, elle pilote ce tiers-lieu strasbourgeois où se croisent musique émergente, ateliers citoyens, initiatives sociales et expériences collectives.
Au début : une curiosité pour les coulisses…
Depuis ses 17 ans, Julie évolue dans l'univers du spectacle vivant. Elle s'engage d'abord comme bénévole dans des concerts par pure curiosité : "Je me demandais comment tout cela pouvait exister. Les gens voient un concert sans se rendre compte du travail en amont. J'avais envie de comprendre."
Cette immersion lui donne le goût de la coordination et du collectif. Après un diplôme en communication d'entreprise et publicité, elle s'oriente vers une licence professionnelle et rejoint Hiéro Colmar, où elle évolue de stagiaire à directrice.
Elle souhaite ensuite défendre la culture musicale à Strasbourg — une volonté qui deviendra le socle du projet La Grenze.
La naissance de La Grenze : un lieu à inventer
Avant La Grenze, Julie réfléchit déjà à un lieu qui comblerait un manque : "Je voulais une salle pour les musiques émergentes. Un espace modulable, vivant." Avec Thibaut Philipp, elle imagine un projet croisant musique, activités pédagogiques et lieu convivial.
Ils se décident à frapper à la porte de la SNCF, propriétaire de nombreux fonciers vacants. Grâce au programme d'urbanisme transitoire, une opportunité s'ouvre : occuper temporairement un site ferroviaire pour y développer un projet culturel et social. En janvier 2019, La Grenze voit le jour.
S'ensuivent trois mois de chantier participatif pour transformer le lieu : "On avait le lieu, plein d'idées, mais il fallait tout construire. On a appris énormément, parfois en faisant des erreurs. Mais cela nous a soudés."
Un tiers-lieu unique, ouvert aux initiatives populaires
Depuis son ouverture, La Grenze accueille des concerts de musiques émergentes (rock, électro, hip-hop), des DJ sets, des spectacles d'improvisation, des conférences, des workshops et des événements jeune public.
Mais la Grenze, c'est aussi un lieu d'échanges et d'apprentissage. Des ateliers d'initiation, des rencontres artisanales et artistiques, des séances autour de thématiques citoyennes (écologie, égalité, mobilités) y sont proposés. L'intergénérationnel est bienvenu, et l'atelier n'a pas de barrières d'âge ni de niveau. Pour celles et ceux qui cherchent à se ressourcer, La Grenze organise des initiations sportives (yoga, mouvements doux…) et des moments bien-être.
"On veut ouvrir notre lieu à des structures qui n'ont pas forcément d'espace pour exister. Les accompagner, les aider à communiquer... On ouvre aussi le lieu à d'autres porteurs de projets qui organisent eux-mêmes leurs concerts chez nous, en leur mettant à disposition notre équipement professionnel."
Un modèle fondé sur l’engagement et la participation citoyenne
Au cœur du fonctionnement de La Grenze, le bénévolat occupe une place essentielle. L'association s'appuie sur 15 à 20 bénévoles très actifs, rejoints chaque saison par de nouvelles personnes. Julie tient à valoriser cet engagement, qu'elle considère comme un pilier du projet : "chacun peut contribuer selon ses disponibilités, ses compétences ou sa curiosité, sans pression ni obligation."
Pour accueillir au mieux ces volontaires, l'équipe a mis en place une réunion mensuelle qui permet d'intégrer les nouveaux venus, de présenter les commissions internes et de faciliter la prise d'autonomie. Pour Julie, le bénévolat est aussi un espace d'émancipation : "On apprend sur le tas, on rencontre des personnes qu'on n'aurait jamais croisées autrement. Donner du temps, c’est offrir quelque chose aux autres, mais c'est aussi se l'offrir à soi-même." Un état d'esprit qui reflète la philosophie de La Grenze, où l'implication citoyenne nourrit autant le lieu que celles et ceux qui le font vivre.
"Rendre les gens heureux"
Quand la crise sanitaire a frappé, La Grenze n'avait que quelques mois d'existence. Le lieu venait à peine de trouver son rythme, son public, son identité. Puis tout s'est arrêté. Julie se souvient des mois qui ont suivi : "les investissements engagés, l'équipe épuisée, les semaines de 60 heures effectuées bénévolement pour maintenir le projet en vie... Pendant deux saisons, tout est resté suspendu."
En 2022, vient le moment tant attendu : celui de rouvrir. Ce soir-là, à l'instant précis où les premières notes résonnent, la magie opère. L'énergie brute du public, retrouver la force d'un concert, pour Julie, ce moment fut très fort : "Entendre les gens crier, chanter… c’est là que j'ai compris pourquoi je fais ce métier : rendre les gens heureux." Un moment de joie collective qui a confirmé que La Grenze était bien plus qu'un tiers-lieu : un espace où l'on se retrouve, où l'on se porte, et où l'on recommence à rêver ensemble.