Suivez la conférence de Simone Polak, rescapée d'Auschwitz
Publié le
Mémoire - Gedächtnis Toute l'Alsace
Dans le cadre des commémorations des 80 ans de la libération d’Auschwitz, Simone Polak, 96 ans, interviendra à l'Hôtel d'Alsace de Strasbourg, mardi 13 mai à 14h, en présence de collégiens de 3ème. Suivez la conférence en direct sur le compte YouTube de Toute l'Alsace. Cette rescapée d'Auschwitz racontera son histoire et échangera par la suite avec les élèves.
Madame Polak, déportée à Auschwitz-Birkenau à l’âge de 15 ans, retracera son histoire pour transmettre la mémoire de la Shoah et sensibiliser aux dangers de la haine et de l’intolérance. Les élèves auront l’opportunité d'échanger avec elle et de lui poser des questions lors d’un moment dédié.
L'événement sera filmé et retransmis en direct sur notre compte Toute l'Alsace dès le 13 mai à 14h. Cela permettra à ceux qui ne peuvent pas être présents sur place de suivre cette conférence en temps réel.
À propos de Simone Polak
Une enfance à Saverne
Simone Polak naît le 10 mai 1929 à Schirmeck. À l’âge de six mois, sa famille s’installe à Saverne, où son père devient bedeau à la synagogue et sa mère, Julie, s’occupe du mikvé (bain rituel juif). En 1933, naît son petit frère, Benoît.
Mais le quotidien est difficile. En 1935, le père quitte le foyer, sans donner de nouvelles. Sa mère élève seule ses deux enfants, travaillant sur les marchés comme vendeuse d’articles de bonneterie.
Simone et son frère déjeunent dans une pension juive, et retrouvent leur mère l’après-midi. Elle garde en mémoire les étés à la roseraie, les retours à la maison, et ce sentiment de présence constante et rassurante de sa mère, malgré les difficultés.
L’arrestation – 27 avril 1944
Le 27 avril 1944, à Gevingey dans le Jura (village de repli), deux soldats allemands arrêtent la famille. Simone, alors âgée de presque 15 ans, aurait pu fuir, mais choisit de rester pour protéger sa mère, peu francophone, et son petit frère.
Elle fête son 15e anniversaire le 10 mai 1944 au camp de Drancy. Le 23 mai, la famille est déportée dans le convoi n°74 à destination d’Auschwitz. Le voyage dure trois jours et trois nuits, dans un wagon à bestiaux, à 60 par wagon.
Auschwitz – la séparation
À leur arrivée, deux SS procèdent à la sélection : Simone est envoyée à gauche, tandis que sa mère et son frère partent à droite. Elle ne les reverra jamais. Ce sont les dernières paroles de sa mère qui la guideront à travers l’horreur :
"Il est possible que nous soyons séparés. N’oublie pas : agis comme si j’étais toujours à tes côtés. " (Titre de son livre)
La vie dans le camp (Block 31, Lager A)
Simone est tatouée (n° A-5587), rasée, déshabillée, habillée de guenilles, puis dirigée vers le block 31, un baraquement de 700 à 800 femmes.
- Conditions de survie : 10 femmes par banquette, deux couvertures, des appels matinaux interminables.
- Nourriture : un breuvage marron infâme dans des cuvettes émaillées, partagé à cinq.
- Travail et souffrance : pendant la quarantaine, elle est forcée de porter des pierres sans but "On les prenait sur un grand tas pour les emporter un kilomètre plus loin et, le lendemain, il fallait les remettre au même endroit". Ensuite, affectée à l’Aussenkommando 2, elle travaille à la construction d’une route.
Un jour, un soldat la frappe violemment : "Ce jour-là, il m’a rendue invalide pour la vie. Je sens encore la semelle de sa botte sur ma joue."
Un quotidien déshumanisé
Dans ce monde de violence et de mort, Simone devient un automate, sans place pour les émotions. Penser ou espérer, c’est risquer de sombrer. Elle échappe deux fois à la sélection au Revier 3, l’infirmerie où les malades sont souvent envoyés à la chambre à gaz.
Transfert à Bergen-Belsen (octobre 1944)
Elle quitte Auschwitz avec 2 300 femmes. Le camp de Bergen-Belsen semble d’abord moins brutal : une couverture par personne, un bol individuel. Mais très vite, le camp est saturé : manque d’espace, froid glacial, poux, promiscuité, et conditions d’hygiène catastrophiques.
Dernière étape : Theresienstadt et la libération (avril-mai 1945)
Refusée pour travailler dans une usine d’aviation à Raguhn, Simone parvient à mentir sur son âge et sa profession pour éviter d’être écartée. Comprenant l’allemand, elle sauve sa vie.
Le 10 avril, elle est évacuée vers Theresienstadt, où elle arrive épuisée, malade. Elle est libérée par les Russes le 8 mai 1945, dans un état de grande faiblesse. Elle rentre en France sur un brancard et passe plusieurs mois hospitalisée à Lyon.
Après la guerre : résilience et mémoire
Simone retrouve sa poupée d’enfance à Saverne (la poupée que sa maman lui avait offerte en 1939 pour son dixième anniversaire), seul objet rescapé de son passé dans l’ancien logement familial à Saverne.
Dès 1946, elle lutte contre une tuberculose osseuse (mal de Pott), subit des greffes et des années d’alitement, mais garde toujours sa volonté de vivre.
Elle travaille ensuite à la Sécurité sociale, voyage, s’entoure d’amis, puis commence à témoigner dans les écoles dès 1984, après des propos négationnistes d’un universitaire. Elle publie plusieurs ouvrages, dont Agis comme si j’étais toujours à tes côtés. Aujourd’hui, à 96 ans, Mme Polak continue inlassablement de transmettre la mémoire, avec humanité, dignité, et sans haine. "Je n’ai jamais eu de haine. La haine, ça ne vous mène à rien."