Taxe poids lourds : point sur la mise en place du R-PASS
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Routes - Strosse Toute l'Alsace
Fin 2024, les élus alsaciens se sont prononcés à l'unanimité en faveur de la mise en place d'une taxe poids lourds en Alsace : le dispositif R-PASS. Point sur la mise en service programmée au 1er janvier 2027.
La gestion du dispositif a été confiée à la société "R-PASS Opérateur SAS", consortium franco-allemand réunissant T-Systems, expert reconnu en péage poids lourds, et GEA, spécialiste français des systèmes de péage. Cette collaboration garantit une mise en œuvre performante et fiable du dispositif au service des habitants et de l'économie alsacienne.
Ce projet s'inscrit dans une démarche de responsabilité environnementale et de soutien à une mobilité routière plus écologique et équitable. En parallèle, le dispositif juridique national est consolidé avec l'article 14 du projet de loi de finances.
Adopté à l'unanimité par le Conseil de la Collectivité européenne d'Alsace le 21 octobre 2024, le dispositif R-PASS vise à répondre à plusieurs enjeux majeurs pour le territoire alsacien :
- réduire le trafic poids lourds de transit entre l'Alsace et l'Allemagne
- améliorer la sécurité et la fluidité sur le réseau principal (notamment par la mise aux normes autoroutières du tronçon Colmar-Sélestat)
- diminuer la pollution atmosphérique et sonore grâce à des infrastructures adaptées comme les murs anti-bruit
- limiter les dégradations routières et assurer une contribution, équitable du transit aux coûts d'entretien des infrastructures
- faire contribuer le transit aux coûts de l'entretien des routes
Concertation élargie et renforcée avec tous les acteurs du territoire
Les concertations au sujet des modalités de mise en œuvre de la taxe se sont poursuivies et intensifiées à trois niveaux.
Avec les acteurs économiques
Depuis avril 2022, la Collectivité européenne d'Alsace a engagé une large concertation avec les principaux acteurs économiques locaux (chambres consulaires, fédérations professionnelles et entreprises) afin de construire ensemble le dispositif de taxe kilométrique. Près de 80 représentants de différentes filières ont été consultés lors de plus de 200 entretiens, permettant ainsi d'affiner le projet. Cette démarche a conduit à des ajustements importants, notamment l'introduction d'une réduction tarifaire pour les usagers fréquents, tout en écartant la modulation horaire des tarifs en fonction des périodes de circulation.
Avec la société civile
La Collectivité européenne d'Alsace a engagé depuis le début du projet une large concertation avec la société civile, réunissant plusieurs associations et acteurs concernés par la taxe poids lourds, notamment dans les domaines de la mobilité, de l'environnement et de la qualité de vie (Mobilité Club France, Alsace Nature, Strasbourg Respire, etc.).
Cette démarche participative, qui reflète l'impact sociétal du sujet, sera intensifiée en 2025 et 2026 à travers des réunions spécifiques impliquant davantage d'acteurs du transport, de la protection de l'environnement et des représentants citoyens, afin d'assurer un dialogue constructif et inclusif.
Avec les institutions
Depuis 2022, un comité réunissant la Collectivité européenne d'Alsace, l'État, la Région Grand Est, l'Eurométropole de Strasbourg et les départements limitrophes se réunit régulièrement pour coordonner la mise en œuvre de la taxation des poids lourds. Instauré par la loi du 28 février 2022, ce comité, présidé par le Président de la Collectivité, permet un dialogue institutionnel structuré entre les différentes collectivités concernées. Par ailleurs, des réunions spécifiques entre les services de la Collectivité européenne d’Alsace et ceux de la Région Grand Est permettent d'ajuster les mesures d'accompagnement pour les usagers et les acteurs du territoire.
Modalités d'application de la taxe poids lourds alsacienne
La taxe kilométrique pour poids lourds est structurée selon plusieurs classes de véhicules définies par leur poids total en charge (PTRA), avec des tarifs modulés en fonction des émissions polluantes (normes Euro) et des coûts liés aux infrastructures.
La grille tarifaire
Les tarifs varient selon la classe du véhicule et son niveau d'émission, allant de la classe A (<12 tonnes) à la classe D (>32 tonnes), avec des montants qui diminuent progressivement pour les véhicules les moins polluants.
Certaines dispositions tarifaires dépendent encore de futures mesures réglementaires prévues avant le premier semestre 2026, notamment pour fixer les plafonds de redevances liées à la pollution atmosphérique et aux émissions de CO2. Les tarifs proposés respectent d’ores et déjà ces limites maximales en préparation.
Le réseau taxé
Le réseau taxé proposé sera composé des axes suivants :
- l'A35 et l'A36 pour leurs parties non concédées et situées hors du territoire de l'Eurométropole de Strasbourg
- la RD83 entre Colmar et Sélestat, la RD1363, la RD502 et la RD 504
La mise en place d'une taxe sur l'axe Nord/Sud alsacien (A35, RD83, RD1363) ainsi que les axes reliant les autoroutes A5 et A35 (RD502, RD504 et A36) permet de limiter les comportements d'évitement de la taxe allemande.
Les véhicules concernés
La taxe kilométrique s'applique aux poids lourds de plus de 3,5 tonnes conçus pour le transport de marchandises, ou utilisés dans des activités similaires. Sont ainsi visés les véhicules de la catégorie N, c'est-à-dire ceux à moteur avec au moins quatre roues dédiés au fret.
En revanche, les poids lourds agricoles ou forestiers, utilisés pour transporter récoltes ou bois, échappent à cette taxation car ils appartiennent à des catégories spécifiques exclues du dispositif.
Les exonérations
Elles sont larges pour protéger les secteurs clés et encourager la transition écologique.
À l’issue de la concertation, la Collectivité européenne d'Alsace a décidé de mettre en œuvre toutes les exonérations facultatives prévues par le code des impositions, visant notamment à préserver les secteurs agricole, sylvicole, du bâtiment, de l’'artisanat, ainsi que les forains et les services d'urgence.
Dans une démarche écologique, les véhicules à émissions nulles, comme les poids lourds électriques, bénéficieront également d'une exonération spécifique.
Les boîtiers embarqués faciliteront le paiement de la taxe
Dans le cadre du projet R-PASS, la majorité des poids lourds circulant en Alsace utiliseront un équipement embarqué fourni par des sociétés de télépéage. Ces boîtiers transmettront les données de trajet par satellite à l'opérateur R-PASS, permettant une facturation basée sur l'usage réel du réseau routier taxé.
Le recours aux sociétés de télépéage est essentiel au bon fonctionnement du système. Sans elles, les entreprises devraient réserver un ticket à chaque trajet, via une application, rendant le dispositif lourd et peu pratique.
Ces prestataires auront plusieurs missions :
- développement des interfaces informatiques
- gestion et renouvellement des boîtiers (OBU)
- collecte de la taxe pour le compte de la Collectivité européenne d’Alsace
- garantie du paiement, même en cas d’impayés
Fraude à la taxe poids lourds
Dès son entrée en vigueur le 1er janvier 2027, la taxe poids lourds s'accompagnera d'un système de contrôle et de sanction pour prévenir les fraudes. La Collectivité européenne d'Alsace mettra en place des mesures proportionnées visant à détecter les manquements et à dissuader la récidive.
Parmi les principales dispositions :
- jusqu’à 100 € de frais administratifs pourront être appliqués aux sociétés de télépéage en cas de retard de paiement
- en cas d'absence de ticket, une taxation d'office basée sur une distance forfaitaire de 160 km sera appliquée (ramenée à 50 km pendant les deux premiers mois pour un effet pédagogique)
- des frais de dossier de 10 € couvriront les coûts de gestion et d'envoi des notifications de taxation d'office
- les redevables disposeront d'un délai de 60 jours pour régulariser leur situation et éviter toute poursuite pénale
Un dispositif conçu pour allier efficacité, équité et accompagnement dans la phase de démarrage.
Contrôle de la taxe poids lourds
La Collectivité européenne d'Alsace prévoit de recruter 4 agents assermentés pour assurer le contrôle physique de la taxe poids lourds dans le cadre du dispositif R-PASS. Formés et agréés par le procureur de la République, ces agents mèneront des opérations de contrôle au moins deux fois par semaine, principalement sur les aires de stationnement poids lourds ou en appui des forces de l’ordre lors d’interceptions routières.
Leur mission couvrira également le traitement d'environ 50 infractions par jour, générées par les contrôles automatiques, ainsi que la vérification des exonérations accordées à certains redevables.
Ce dispositif de terrain doit garantir l'équité du système et prévenir les fraudes. Le produit des amendes est estimé à environ 1 million d’euros par an.
R-PASS : 100% des recettes réinvesties au service du territoire alsacien
La Collectivité européenne d’Alsace s'engage fermement à réinjecter 100% des recettes nettes issues de la taxe poids lourds R-PASS dans le développement du territoire. Les fonds collectés seront consacrés à l'amélioration des infrastructures routières, au soutien au fret ferroviaire et fluvial, au développement de plateformes multimodales ou encore à la construction de murs anti-bruit. Des mesures d’accompagnement pour les entreprises alsaciennes sont également prévues.
Infrastructures routières
Pour assurer une circulation fluide des marchandises et soutenir l'économie locale, la Collectivité européenne d’Alsace mise sur l'amélioration des infrastructures routières. En concertation avec le monde économique, plusieurs projets prioritaires ont été identifiés, dont la mise aux normes autoroutières du tronçon RD83 entre Colmar et Sélestat, avec le passage à 2x3 voies.
Par ailleurs, la Collectivité prévoit aussi de requalifier et d'améliorer les aires de services situées sur son réseau routier afin d'offrir de meilleures prestations aux usagers.
Report modal en Alsace
La Collectivité européenne d’Alsace entend utiliser les recettes de la taxe poids lourds pour développer les équipements multimodaux, favorisant ainsi un transfert du fret de la route vers le rail et le fluvial.
Les investissements viseront l'amélioration des plateformes portuaires et fluviales ainsi que des infrastructures ferroviaires, notamment les lignes dites "capillaires fret". Ce soutien accru au transport alternatif doit permettre de réduire le nombre de poids lourds sur les routes alsaciennes.
Parallèlement, la Collectivité prévoit de lutter contre les nuisances sonores liées au trafic routier en construisant des protections acoustiques, telles que des écrans ou merlons anti-bruit.
Mesures d’accompagnement
La Collectivité européenne d'Alsace et la Région Grand Est, qui prévoit également de mettre en place une taxe poids lourds d’ici mi-2027, coopèrent pour accompagner les acteurs économiques concernés.
Elles co-animeront des groupes de travail avec les professionnels afin de définir des mesures d'accompagnement, axées notamment sur le verdissement des flottes poids lourds, le soutien aux transporteurs locaux, ainsi que la sobriété hydrique et la décarbonation des entreprises.
Cette collaboration vise à assurer une cohérence régionale dans la mise en œuvre des dispositifs liés à la taxe poids lourds.
Un comité de suivi
La Collectivité européenne d'Alsace s'engage à assurer la transparence autour de l'utilisation des recettes de la taxe poids lourds en publiant un rapport annuel détaillé.
Un comité de suivi, réunissant chambres consulaires, fédérations et organisations consultées lors de la concertation, sera créé pour présenter ce bilan et échanger avec les élus.
Un observatoire
Dès le 1er janvier 2026, un observatoire dédié à la taxe poids lourds sera créé en Alsace. Sa mission : évaluer l'efficacité du dispositif, notamment en analysant les reports de trafic vers l'Allemagne et les éventuels contournements locaux qui pourraient perturber les routes départementales.
L'observatoire suivra également les recettes et les dépenses liées à l'entretien du réseau taxé, tout en mesurant chaque année l'impact économique de la taxe. Enfin, il évaluera les effets sur la pollution atmosphérique et sonore, soulignant ainsi les bénéfices attendus pour la santé publique.