L’Assemblée nationale a adopté sans débat et sans examen préalable en commission, dans la nuit de vendredi dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finance pour 2022, un amendement qui accorde une garantie financière de l’Etat à la société anonyme Les mines de Potasse d’Alsace (MDPA).
L’absence d’une telle garantie avait amené la Cour administrative d’Appel de Nancy à annuler l’arrêté du Préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017 et ainsi à mettre fin aux opérations de confinement des déchets toxiques entreposés dans les mines de Stocamine. Cet amendement va permettre la reprise des opérations de confinement !
Par cette manœuvre subreptice, l’Etat instrumentalise le droit pour ne plus être mis en défaut devant la justice et tente ainsi de contourner la décision de la Cour administrative d’Appel de Nancy qui avait annulé le 15 octobre dernier l’arrêté du Préfet du Haut-Rhin autorisant le confinement.
Quelques jours après la clôture de la COP 26 à Glasgow où l’Etat français s’est voulu protecteur de la planète, il se donne les moyens de confiner de manière définitive 42 000 tonnes de déchets dont certains sont hautement toxiques. Ce confinement pourrait rendre cette nappe phréatique impropre à toute consommation à plus ou moins long terme et faire peser sur la plus grande nappe phréatique d’Europe un risque de pollution grave.
L’Etat veut faire fi de l’arrêt de la Cour administrative d’Appel qui a annulé l’arrêté du Préfet du Haut-Rhin du 23 mars 2017. L’Etat s’était pourvu en cassation pour contester cet arrêt de la Cour administrative d’Appel et a finalement trouvé le moyen de contourner les voies de recours normales.
Par cet amendement, l’Etat n’apporte qu’une réponse ponctuelle et courtermiste. En effet, la garantie limitée à 160 millions mise à la disposition des MDPA, ne couvre pas les opérations au-delà de 2030, soit 8 années, alors que le stockage restera une bombe à retardement pendant des centaines d’années et que le minimum aurait été une garantie sans limitation de durée et de montant, notamment pendant la période d’ennoiement que les MDPA estiment entre 300 et 500 ans et dont tout accroc aura des conséquences dramatiques. Dans les faits on n’aura réglé que 8/500, soit 1,6% du problème.
Une main tendue à l’Etat qu’il ne saisit pas
La pertinence du confinement de ces déchets est contestée depuis plus de 20 ans par les élus et les associations locales de protection de l’environnement.
Il est rappelé que le Président de la Collectivité européenne d’Alsace avait proposé de débattre avec l’Etat et les acteurs locaux sur la meilleure façon d’engager le déstockage des déchets. L’Etat ne s’en est pas saisi.
Une manœuvre inconstitutionnelle
Ce positionnement de l’Etat est contraire aux dispositions de la Charte de l’environnement inscrite depuis 2005 dans le Préambule de la Constitution de la Vème République, qui indique : "afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins".
Or, l'atteinte aux droits et besoins des générations futures apparaît comme une évidence lorsque l’Etat accorde une garantie financière pour permettre à un opérateur de mener à bien, en dépit du contentieux en cours sur le fond, un confinement de déchets toxiques qui fait peser un risque réel sur les générations futures et sur la plus grande nappe phréatique d’Europe.